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« Grèce, quand cesse le vent… »

Date

August 14, 2016

Catégorie
Journal en images
« Grèce, quand cesse le vent… »

La rupture avec l’Italie est nette et franche !

La nuit sur le ferry a été courte. Il est six heures lorsque nous sortons du terminal maritime d’Igouménitsa. Impossible d’accéder à la mer à proximité du port. Le lieu le plus proche pour effectuer une mise à l’eau se situe à deux kilomètres de là.

Nous n’avons qu’un seul chariot et l’opération nécessite de nombreux allers- retours pour tracter nos embarcations chargées à même la route . À voir les utilisateurs de deux roues rouler sans casque et à trois sur un scooter on se dit qu’un kayak sur la chaussée ne devrait guerre déranger les autorités.

Après six heures d’efforts, « Mallit Qititta » et « Sumut  » sont posés sur un semblant de plage à côté de véhicules en stationnement.

Quel plaisir de se retrouver à l’eau avec toute notre autonomie. Le voyage peut continuer. Dans l’immédiat et sans attendre, nous nous posons pour laisser passer un coup de vent. Le ton est donné !

Depuis notre camp installé sur la petite péninsule face à la ville, nous observons le mouvement incessant des ferries, nous demandant comment nous allons bien pouvoir traverser le chenal ?

Un passage à l’aube sera la solution.

Au premier abord, la côte est plus sauvage que celle d’Italie. Sortis de la baie on distingue encore quelques habitations, quelques pontons, deux chapelles et puis rien. Seul un littoral rocailleux s’étire à perte de vue. Nous naviguons entre ciel et mer sur une eau turquoise et translucide, avec la sensation de survoler le fond marin. Le spectacle est souvent de courte durée, les brises ont vite fait de tirer un voile sur la surface et de masquer ce tableau.

À la mi-journée, leur violence est telle que nous sommes contraints de nous poser. Nous comprenons vite qu’ici pour progresser il nous faut changer nos habitudes et utiliser pleinement le créneau navigable du matin. Nous nous levons donc tous les jours avant cinq heures, démontons le camp à la lueur de nos lampes frontales bien avant que le jour ne se lève. Chaque crique compte sa flottille de voiliers au mouillage. Aucun mouvement sur les ponts, les équipages dorment encore. Nous sommes étonnés de voir des tortues marines sortir leurs têtes de l’eau afin de mieux nous observer. Le souffle des baleines nous rappelle à lui seul des souvenirs arctiques.

Sur les plages, l’accueil est discret, voire réservé, rien à voir avec la curiosité et la spontanéité des Italiens.

À partir du golfe de Patras, les conditions se révèlent plus chaotiques que prévu. Le vent nous bloque de nombreux jours d’affilés et cela à plusieurs reprises. Pour garder le moral, nous nous rabattons sur les tavernes, leurs salades de poulpe et autres spécialités.

C’est ainsi qu’en fin de soirée, regagnant notre camp exceptionnellement monté dans la propriété privée du restaurateur chez qui nous passons le plus clair de notre temps, nous découvrons notre maison de toile lacérée comme coupée au couteau. Mais en regardant bien, ce sont des griffes qui ont fait ce travail. Des griffes de chat ! Il ne faut pas chercher très loin pour trouver une piste. Nos voisins, des pêcheurs d’origine égyptienne entretiennent une bonne quinzaine de ces félins. Allez savoir lequel d’entre eux est le coupable… lequel d’entre eux a détruit notre tente ?

Notre ami Enrique, Ionian Exartimenos, français, rencontré avec sa petite famille quelques jours plus tôt sur l’île de Leucade vient à notre secours, armé de deux gros rouleaux de Duck Tape salvateurs. Sur Facebook, l’anecdote amuse nos amis qui trouvent que par cette chaleur, nous manquions d’aération…

La dépression nous bloque une semaine entière, nous libère deux jours avant qu’une autre ne vienne nous bloquer à nouveau. Partis à l’aube du typique village de Galaxydi, nous sommes sur le point de rejoindre l’autre côté du golfe après avoir effectué deux heures de traversée en pleine eau, que des bourrasques d’une rare violence nous obligent à lutter face au vent pour nous abriter au fin fond d’une baie où vivent encore trois habitants à l’année. Pêcheurs et éleveurs de moutons à la fois, Kostas, Maria, Stathis, vivent dans un lieu qui pour beaucoup s’apparente à un coin de paradis. Nous sommes ici dans la Grèce des années 60. Pendant trois jours, nous sommes systématiquement invités à dîner, quand les enfants ne nous portent pas des gâteaux et autres plats cuisinés pour le déjeuner. Nous y découvrons la « Psarosoupa » l’authentique préparation grecque de la soupe de poisson …

Une situation similaire se reproduit dans le village voisin. À peine avons-nous posé le pied à terre qu’une famille nous appelle de sa terrasse. D’abord pour nous offrir le café, puis nous convier à partager leur déjeuner, avec une Psarosoupa, aux poissons pêchés le matin même. Le vin coule et nous parlons tous la même langue.

À l’aube du jour suivant, alors que nous sortons d’une nuit à la belle étoile, passée sous une tonnelle, je ne retrouve qu’une seule chaussure. Pendant la nuit, un renard s’est servi. Mon unique paire était pourtant à moins de 50 cm de mon oreiller. À la lueur de la frontale, une multitude d’yeux brillent dans la nuit. Les recherches sont vaines. Impossible de nous attarder, le vent à son habitude doit forcir en début d’après-midi et les jours suivants ne sont pas navigables.

 

Arrivés au village de Sarandi, nous profitons de la proximité d’un confortable terrain de camping pour nous y installer dans l’attente de la prochaine fenêtre météo. Non content de nous offrir le séjour, Antoine, le patron nous confectionne les dîners, nous parle de ses missions de sécurité sur les cargos dans le golfe d’Aden. Antoine n’est pas en mal d’aventures. Il est intervenu sur tous les continents, aux quatre coins du monde et pourtant notre route le fait rêver… « Au revoir, Antoine, on se revoit sur Athènes. »

Lorsqu’à une demi-étape du canal de Corinthe, nous contactons la capitainerie, responsable du trafic, notre moral tombe au plus bas. «Vous ne pouvez pas passer ! Les kayaks sont interdits dans le canal ! Vous auriez dû contacter la direction du canal longtemps à l’avance afin de demander une dérogation. »

Nous digérons un moment l’information. Conscients qu’il y a toujours une solution à un problème, nous sollicitons immédiatement l’aide de nos amis dans le pays.

Nous expédions rapidement notre dossier par mail, mais en cette veille de week-end, rien ne bougera avant la semaine suivante et cela dans le meilleur des cas. Nous nous préparons pour une très longue attente. À ce stade, nous ne pouvons que patienter et étudier les différentes options possibles pour rejoindre la capitale. Vingt-quatre heures plus tard, quel n’est pas notre étonnement de recevoir un coup de fil et d’apprendre que la voie est libre et que nous pouvons passer le lendemain matin à sept heures ! Nos contacts ont fait jouer les leurs. Roger, le président du club ENOA, et Ioannis ont trouvé la solution. Un simple coup de fil du patron de CNN Grèce au directeur de la société responsable du canal de Corinthe afin de l’informer qu’une de ses équipes nous attend sur Athènes pour filmer notre arrivée. Dès lors, toutes les portes et principalement celles du Canal s’ouvrent. Tout est bien qui finit bien. La chose nous sera confirmée par la suite. Sur ce coup-là, la chance était de notre côté !

Pour plus de sécurité, nous passons la nuit sur la plage du petit port à l’entrée du Canal. À sept heures, un pilote se présente à nous. Il nous donne les ultimes consignes : « Mettez la VHF sur le canal 11 et gardez une distance de sécurité avec le cargo qui vous précède. Je serai à son bord. »

À cette heure-là, le canal est encore dans l’ombre. Dommage pour la lumière et la chaleur des images, mais le courant est avec nous. On ne peut pas tout avoir ! C’est déjà magique de glisser au raz de l’eau, le nez en l’air au fond de cet ouvrage creusé à mains d’hommes et ouvert à la navigation en1869.

À 8 h 35, en ce 11 septembre 2016 après 45 minutes de traversée, nous sommes dans le Golfe Saronique, le passage est franchi !

Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Sur cette même journée, nous parcourons 48 km pour nous positionner sur l’île de Salamine. Nous sommes aux portes d’Athènes. Notre but est à une vingtaine de kilomètres à vol d’oiseau.

Et comme pour faire durer le plaisir, le vent, toujours lui, nous garde trois jours en compagnie de Kastos, Andreus et Ioannis un groupe de pêcheurs du club de « Posidon ». Ces passionnés ont construit de leurs propres mains la structure de leur club house et les aménagements du petit quai d’amarrage. Ensemble et malgré la fausse barrière de la langue, nous partageons de longs moments sous la tonnelle, bien à l’abri du soleil pendant qu’une vingtaine de cargos au mouillage attendent comme nous leur tour pour rejoindre Athènes.

C’est chose faite, le 15 septembre à 12h30 après 2780 km et 88 jours de navigation, la partie maritime de The Route est terminée.

Outre la satisfaction d’une mission accomplie, nous n’en ressentons pas moins une certaine nostalgie. Difficile d’abandonner Sumut et Mallit Qititta nos deux fidèles compagnons de ces cinq derniers mois et de cette tranche de vie.

Mais peut-être, n’est-ce que pour mieux les retrouver plus tard au bout de la route ?

A.A.

 

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